« Une cuisine indienne résolument authentique » : le restaurateur qui change la scène culinaire américaine
La table la plus difficile à réserver à New York ? Elle pourrait bien se trouver dans l’espace restauration situé près du cinéma Regal. Pour dénicher une table à Dhamaka, le restaurant qui sert de la « cuisine indienne provinciale » dans le marché couvert de l’Essex Market, il n’existe pas de recette miracle. Mais si vous y parvenez, vous découvrirez une association d’arômes étonnants, plus ou moins épicés : un biryani relevé avec une pléthore de saveurs, un cocktail à base de feuilles de bétel et, pour les plus courageux, des testicules de chèvre. Il va sans dire que Dhamaka change la donne sur la scène culinaire new-yorkaise.
Chintan Pandya, le chef primé de l’établissement, et son cofondateur Roni Mazumdar, ont lancé leur groupe de restaurants Unapologetic Foods dans le but de servir une « cuisine indienne résolument authentique ». Leur philosophie s’applique également aux ambitions bien affirmées de Pandya. « Mon ambition a toujours été de mettre en avant la cuisine indienne », déclare-t-il.
« Je veux que cette cuisine fasse intégralement partie de la scène culinaire américaine », poursuit-il. La comparant aux gastronomies française et italienne, que l’on pourrait qualifier de cuisines conventionnelles, il explique que la cuisine indienne occupe une place relativement sous-développée aux États-Unis. Selon lui, il règne par ailleurs un racisme endémique dans l’industrie alimentaire (et dans l’immobilier sur lequel elle s’appuie). « Aujourd’hui encore, il existe des propriétaires qui ne veulent pas de restaurants indiens dans leurs locaux », déplore Pandya, avant de révéler que lors de sa carrière, certains lui ont fait payer des sommes excessives et ont résilié son bail.
Depuis quelques années, Unapologetic Foods est en train de transformer la place de la cuisine indienne, révolutionnant la scène culinaire new-yorkaise avec tout son attirail de nouveaux restaurants. Le groupe détient bien entendu Dhamaka et Semma, l’établissement sud indien tenu par Vijay Kumar, un collègue de Pandya qui vient de faire son entrée dans la liste des meilleurs restaurants américains du New York Times. Mais Pandya se met également au fast casual et aux livraisons avec Kebabwala (un excellent kebab dans une ville où l’on en compte peu) et Rowdy Rooster, un tout petit établissement du East Village où l’on peut acheter un sandwich au poulet extrêmement épicé accompagné d’un lassi à la mangue et de bouchées d’aubergine. « Les gens se moquent de nous : “vous avez des restaus qui marchent, pourquoi ouvrir des kiosques qui vendent du poulet frit ?” Ce à quoi je leur réponds tout simplement, “On adore ça ! On adore le poulet frit” », s’amuse Pandya. Et si gérer ses nombreux restaurants primés (dont Masalawala & Sons, tout nouvel établissement déjà plein à craquer dans le quartier de Park Slope) et lancer un empire du fast-casual food ne suffisait pas, Unapologetic Foods planche aussi actuellement sur des « aerobanquets », une expérience culinaire dans le métavers à découvrir par le biais d’un casque de réalité virtuelle. (Lorsque je l’ai rencontré, Pandya m’a accordé une interview entre ses essais en cuisine et ses réunions avec Facebook.)
Tout cela pour dire que Pandya fait les choses vite et en fait beaucoup. Fidèle au nom de sa marque, il est bien résolu à réussir. Si quelqu’un pouvait vraiment changer le visage de la cuisine indienne, ce serait lui.
Colin Groundwater est un journaliste indépendant basé entre Londres et New York qui collabore avec les revues GQ et Vanity Fair