« L’écriture n’est-elle pas censée être un processus douloureux ? » – Curtis Sittenfeld nous raconte qu’elle s’est amusée à rédiger son nouveau roman

« Je savais que je voulais écrire un livre amusant cette fois », me confie l’autrice Curtis Sittenfeld. Nous discutons de son septième ouvrage, Romantic Comedy, un roman d’amour sagace et plein d’esprit aux airs de Quand Harry rencontre Sally. Il raconte justement l’histoire de Sally, qui écrit des sketchs pour une émission humoristique diffusée tard en soirée, et dont l’approche cynique en matière d’amour est mise à l’épreuve lorsqu’un musicien célèbre lui témoigne de l’intérêt. Mais les hommes « sexy » s’intéressent-ils vraiment aux femmes « ordinaires » ?

« Pendant le confinement, j’ai passé beaucoup de temps devant Saturday Night Live, explique l’autrice. En regardant cette émission, j’ai remarqué une tendance : des hommes très ordinaires qui épousaient – ou sortaient avec – des femmes très célèbres ou sexy... Scarlett Johansson et Colin Jost, Emma Stone et David McCary, Kim Kardashian et Pete Davidson. Je me suis dit que quelqu’un devrait écrire un livre sur une écrivaine et un homme super connu et sexy. J’ai tout d’abord pensé que ce serait très, voire trop, agréable. L’écriture n’est-elle pas censée être un processus douloureux ? »

Et en effet, il était temps que la romancière, dont les ouvrages sont largement acclamés par la critique, écrive quelque chose de plus léger, de moins pesant que ses romans politisés. Son dernier roman de 2020, Rodham, était une réinterprétation contrefactuelle de la vie d’Hillary Clinton, imaginant qu’elle n’avait pas épousé Bill. Son troisième, American Wife (2008), raconte la pseudo-vie de Laura Bush, tandis que The Nominee, nouvelle tirée de son sublime recueil d’histoires courtes You Think It, I’ll Say It, s’apparentait à une première tentative d’écriture en se plaçant du point de vue d’Hillary.

Les femmes qu’elle décrit reviennent souvent dans ses romans, des personnes dotées d’une conscience dont elle veut s’imprégner tout au long de l’écriture d’un roman. « Je dois avoir un certain degré de compassion pour un personnage, explique-t-elle. Je ne voudrais pas écrire du point de vue d’un personnage que je trouve méprisable. C’est comme aller déjeuner avec quelqu’un que l’on déteste. Pourquoi se donner ce mal ? »

Je lui demande ce qu’elle a ressenti en incarnant la personnalité de l’écrivaine de comédie Sally. Était-il difficile d’écrire un roman humoristique ? Mais très vite, cette question semble superflue, tant sa vivacité d’esprit transparaît au cours de notre discussion. Elle a envisagé le personnage de Sally comme une consœur, ce qui explique l’interlude épistolaire au milieu du roman, un échange de flirt par e-mails pendant la période du covid (« Sally est au meilleur d’elle-même sur cette page », remarque Sittenfeld). Cet échange aurait pu paraître maladroit, mais il est plein de fraîcheur et très convaincant.

« Tomber amoureux a quelque chose de charmant, d’irrésistible et d’intemporel », constate-t-elle en analysant l’amour romantique – pourquoi et comment on tombe amoureux et ce que l’on ressent –, thème que l’on retrouve dans un grand nombre de ses romans. « Je ne cesse de m’y intéresser. C’est un terreau fertile à explorer ». Et comme Sittenfeld se plaît à le dire, « c’est tout à fait, voire trop, agréable. »
Romantic Comedy de Curtis Sittenfeld est actuellement en librairie au Royaume-Uni

Marie-Claire Chappet est une journaliste basée à Londres qui se consacre à l’art et à la culture. Elle est collaboratrice de rédaction pour le Harper’s Bazaar

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