La vague de pop culture coréenne qui a déferlé sur le monde entier
À la suite de l’ouverture, au musée d’art londonien V&A, de l’exposition Hallyu! The Korean Wave, Fiona Bae, écrivaine et autrice qui a grandi à Séoul, rend hommage à la pop culture coréenne
Je rédige cet article dans un vol depuis Incheon en Corée du Sud vers Londres Heathrow. Je viens de me rendre à la toute première foire d’art Frieze Seoul, qui a hissé la ville sur le devant de la scène culturelle internationale. Thaddaeus Ropac, galeriste influent en Europe, m’a confié être stupéfait de l’enthousiasme et des connaissances incomparables des jeunes Coréens en matière d’art. Il donne pour exemple RM, rappeur, auteur-compositeur-interprète et membre du boys band sud-coréen BTS, qui a réussi à attirer de jeunes fans grâce à ses publications sur l’art. (Rien que le mois dernier, on a appris que RM avait fait don de 100 millions de wons à la fondation Overseas Korean Cultural Heritage.) L’énergie débordante et unique qui se dégage de la culture coréenne, univers marqué par une intense solidarité entre les jeunes créatifs, attise plus que jamais la curiosité. Cet événement rassemble des musiciens, des créateurs de mode et des architectes, tous venus pour surfer sur cette vague attendue de longue date.
Les ingrédients du succès de la culture coréenne existent depuis longtemps déjà : un peuple travailleur doté d’une immense soif d’apprendre, reposant sur le confucianisme, une adaptabilité et un pragmatisme puisant leurs racines dans le chamanisme, une hypercompétitivité et un désir ardent d’être reconnu à l’international, résultat d’une société en rapide évolution. Venez ajouter à cette recette le développement de la technologie, les goûts sophistiqués et l’imagination vive des Coréens, sans oublier un intérêt porté aux valeurs non occidentales. Et boom ! La culture coréenne a explosé.
Au cours des dernières décennies, le pays a connu une remarquable transformation. Les Sud-Coréens n’avaient pas le droit de voyager librement à l’étranger avant que le pays n’accueille ses premiers Jeux olympiques en 1988, car le gouvernement craignait que les Nords-Coréens n’essaient de les rallier aux valeurs communistes. Mais ce genre de répression a également engendré l’esprit de rébellion qui imprègne le K-style. Qu’il s’agisse de mode, de musique, d’art ou de cinéma, le K-style est une attitude audacieuse et courageuse qui fusionne tout ce qui est considéré comme étant cool par les Coréens, et ce, sans aucune inhibition. Se libérant de l’oppression des contraintes sociales traditionnelles, le K-style célèbre un renouveau de confiance, de fierté et d’indépendance. Aux quatre coins de la planète, il trouve une résonance auprès de toutes les personnes désillusionnées par la dominance culturelle de l’Occident, et qui souhaitent se rebeller contre l’ordre établi et le réinventer. Dans un monde où les limites entre originalité et imitation sont de plus en plus floues, le savant mélange créé par le K-style peut donner naissance à une « nouvelle authenticité ».
Tout comme la ville de Séoul elle-même, c’est ce brassage complexe et ce contraste entre ancien et nouveau, Orient et Occident, intellect et prosaïsme, qui rend le K-style si fascinant. Selon le réalisateur Park Chan-wook, le public coréen est extrêmement difficile à satisfaire ; il lui faut non pas un, mais plusieurs genres, ce qui explique pourquoi il fait cohabiter dans un seul et même film horreur, drame, thriller et comédie.
Pour autant, la Corée traverse une période de transition fragile. Les gens commencent à se rendre compte qu’il vaut mieux agir pour soi-même plutôt que de chercher l’approbation des foules et sortent peu à peu du moule. Toutefois, les jeunes Coréens sont encore en pleine quête identitaire. Mais je suis convaincue que le K-style continuera à se révéler dans toute sa force et sa diversité, grâce à la passion et à l’introspection qui animent les créatifs du pays.
Aujourd’hui basée à Londres, Fiona Bae a grandi à Séoul. Elle est l’autrice du nouvel ouvrage Make Break Remix: The Rise Of K-style, publié chez Thames & Hudson. Elle s’est occupée de la communication pour Frieze Seoul et elle confectionne, avec son mari distillateur de 12e génération, un gin coréen dans la capitale britannique
