« La beauté à la française, c’est être élégant·e, naturel·le et bien dans sa peau »
Violette Serrat, directrice de la création du maquillage chez Guerlain, fondatrice de la marque de cosmétiques Violette_FR et l’une des maquilleuses les plus célèbres de l’industrie, explique à Service95 pourquoi la « beauté à la française » n’est pas réservée aux Françaises.
« Moi qui suis née en France, j’ai mis du temps à comprendre ce que signifiait le concept de beauté à la française, car il est difficile de prendre le recul nécessaire lorsque l’on vit quelque chose de l’intérieur. En m’installant aux États-Unis, j’ai découvert et observé d’autres canons de beauté, ce qui m’a permis de comprendre un peu mieux les nôtres.
Les Français ont un rapport très particulier à la beauté qui est fortement lié à notre philosophie de vie. Cette philosophie est ce qu’il y a de plus marqué dans notre culture, car elle influence absolument tout. Et elle se résume en trois mots : élégance, naturel et acceptation de soi. Cela vaut aussi pour la beauté. En tant que make-up artist travaillant à l’international, il était important pour moi de faire en sorte que chacun·e puisse se reconnaître dans cette définition, indépendamment de ses origines ou de son milieu. Choisir d’exclure qui que ce soit est élitiste et vide de sens. Ce n’est pas ça, la beauté. J’ai créé Violette_FR en pensant à la confiance en soi, au bonheur et à la liberté. Je voulais que tout le monde puisse y accéder par le biais de la beauté. Je souhaitais aussi aider les gens à changer leur rapport à la beauté, que celui-ci soit plus sain.
Je me souviens qu’enfant, je pensais vraiment que porter du rouge à lèvres rouge était un symbole de féminité. Le fond de teint, la poudre bronzante, les autres cosmétiques de façon générale n’avaient pas cette même symbolique. Je ne me suis jamais dit “quand je serai grande, je mettrai du fond de teint ou de la poudre”. Alors que pour le rouge à lèvres rouge, c’était différent. En France, on remarque plus de personnes porter du rouge à lèvres que tout autre type de maquillage. Je me souviens avoir observé une femme au supermarché. Elle portait des vêtements décontractés et du rouge à lèvres rouge. On voyait bien qu’elle s’était maquillée non pas pour plaire, mais pour se sentir bien.
Je garde aussi en mémoire le souvenir de ma grand-mère qui, tous les matins, se coiffait et se maquillait. Elle vivait à la campagne. Un jour, je lui ai demandé : “Mamie, pourquoi tu t’apprêtes ? Tu ne vois personne pendant la journée, à quoi ça sert ?” Ce à quoi elle a répondu : “Je le fais pour moi, pour me sentir bien.”
On en revient donc à la fameuse question de la philosophie. Dans notre culture, être heureux est extrêmement important et pour cela, l’estime de soi joue un rôle fondamental. Sans oublier une touche d’irrévérence. L’idée, c’est d’adopter la posture suivante : “Je suis comme je suis, si ça te plaît, c’est bien ; si ça ne te plaît pas, tant pis.” Nous assumons notre apparence, nous en sommes fiers. Pour se sentir bien dans sa peau, rien ne vaut une bonne dose d’estime de soi. Et il n’y a pas de raison que seules les Françaises adoptent cette philosophie. Elle est à la portée de tous·tes. »
