Beat : le magazine musical indépendant qui séduit les mégastars
Pour toute personne passionnée de musique ces dix dernières années, le magazine Beat était un incontournable. Attirant des têtes d’affiche comme Beyoncé, Sky Ferreira et Lil Nas X, mais aussi des photographes de renom tel·les que Clare Shilland, Alasdair McLellan et Tyrone Lebon, ce magazine peut sembler un peu sobre, mais déploie son influence à grande échelle.

Beat a été fondé en 2010 par la journaliste et DJ Hanna Hanra, qui vient de passer en revue 13 ans de publication pour compiler son nouveau livre, intitulé Punk Perfect Awful: Beat: The Little Magazine That Could ... And Did. Elle a démarré Beat par accès de frustration, car elle trouvait qu’il n’existait pas d’espace pour montrer les groupes comme elle les voyaient elle. Le déclencheur s’est produit alors qu’elle travaillait pour le magazine de mode i-D, quand elle a suggéré de parler du groupe gothique Ipso Facto. « On leur a fait porter des ensembles Givenchy. Et moi je disais que c’était superflu, car elles avaient déjà l’air cool ! », relate Hanra.
Cette expérience à donné naissance au mot d’ordre de simplicité qui restera la signature d’Hanra. « Beat a vraiment commencé simplement et l’est resté, affirme-t-elle. Lorsque vous vous plongez dans toutes ces années, ça dégage quelque chose d’intemporel. [Lorsque vous regardez ces images aujourd’hui], on ne peut pas dire “Ça fait vraiment année 2007”. »
Fidèle à ces principes, le magazine, produit pendant longtemps par Hanra dans un sous-sol du quartier de Dalston, à Londres, a attiré l’attention de mégastars, comme Beyoncé à l’automne 2015. « Elle a fait Vogue [US] et puis nous, ce qui est un vrai grand écart. Je ne pense pas qu’elle avait déjà fait un fanzine bricolé dans la cuisine de quelqu’un avant », raconte Hanra en évoquant Beyoncé en couverture de Beat.

Quant à sa collaboration avec David Bowie, Hanra, fan de toujours, l’a vécue comme une consécration. « J’avais l’impression d’avoir été touchée par la grâce divine ou quelque chose du genre, dit-elle. Je me rappelle que son manager me disait lui avoir envoyé tous les numéros, et je n’en croyais pas mes oreilles ! ». Hélas, la contribution de Bowie à Beat, un collage de ses images préférées, fut sa dernière œuvre parue dans la presse. Le magazine est sorti une semaine après son décès en janvier 2016.
Au-delà des vedettes majeures, Beat a toujours soutenu les nouveaux talents. Hanra évoque notamment le groupe Muna, récemment en tournée avec Taylor Swift, et Gracie Abrams, dont le premier album Good Riddance s’est classé à la troisième place des ventes au Royaume-Uni en mars de cette année. Dua Lipa, la fondatrice de Service95, est également apparue dans Beat en 2016. « Nous [l’avons prise en photo] après l’un de ses tout premiers concerts au Oslo [une petite salle à l’est de Londres], raconte-t-elle. Je me souviens avoir pensé qu’elle irait loin. »
Depuis que Beat existe, la scène musicale est devenue plus inclusive et intègre un éventail plus diversifié d’artistes parmi les plus écouté·es. Le magazine s’est saisi de ce changement. « Il y a treize ans, [il était compliqué de trouver] des gens de couleur ou queers, ou qui faisaient un truc différent [mis en valeur dans les médias], indique Hanra. Maintenant, c’est la musique elle-même qui est devenue beaucoup plus inclusive. » Le magazine a reflété cette évolution par le biais des stars variées qui ont figuré sur ses couvertures.
Hanra s’appuie désormais sur une petite équipe qui travaille au Royaume-Uni et aux États-Unis, et elle a le cran de pouvoir dire non quand elle le souhaite. Elle raconte comment il y a eu des moments vraiment forts (voir ci-dessous), mais que les meilleurs moments ne sont pas prévisibles : « J’ai parfois fait une interview avec une nouvelle personne et me suis rendu compte de tout ce que j’ai appris. Des fois, vous vous retrouvez touchée à un point que vous ne soupçonniez pas. »
Les 5 moments inoubliables de Beat selon Hanra
- L’interview de Nick Cave pour le premier numéro, en 2010 : « Je n’en ai aucun souvenir, ce qui est inhabituel étant donné l’apparence de Nick Cave et Grinderman [le groupe musical avec lequel il travaillait à l’époque]. Mais je sais que l’ai fait, parce que c’est bien là. »
- Un tout nouveau groupe de filles appelé Little Mix devant la caméra, en 2012 : « Je tirais au sort les questions d’une lunchbox Lady Gaga, dont notamment “Quelle est l’odeur de l’amour ?” Elles étaient complètement givrées, débordantes d’une énergie débridée. »
- L’interview de Debbie Harry et Chris Stein, en 2014 : « Je tombe rarement dans l’idolâtrie, mais se retrouver en présence d’artistes d’exception peut avoir quelque chose d’écrasant. Je me souviens de chaque détail : ce que portait Debbie, sa manière d’entrer dans la pièce, ma main qui tremblait sur ma liste de questions écrites à la main, puis enfin mes larmes, de soulagement, de choc ou de joie, ou les trois à la fois. »
- En 2013, tomber sur quelqu’un en train de lire Beat pour la première fois : « MAIS QUELLE CONSÉCRATION ! »
- Le dîner spécial Beat de Beth Ditto au restaurant londonien Hoi Polloi, en 2015 : « La façon qu’elle avait de s’occuper des tables, de commander son poulet et de chanter a cappella a rendu la soirée inoubliable. »
Lauren Cochrane est rédactrice de mode principale pour The Guardian et autrice de The Ten.